
Éducation: quand la confidentialité brime la pleine information
TVA Nouvelles
L’actualité nous amène souvent à lire sur des événements survenus dans nos écoles. Dans certains cas, ce sont les acteurs eux-mêmes de ces événements qui font appel aux médias pour dénoncer un enseignant ou un centre de services scolaire, par exemple.
Malheureusement pour le public et pour les journalistes, il est souvent impossible d’avoir une compréhension complète de ces événements parce que les intervenants scolaires sont tenus de respecter de sévères principes de confidentialité.
Prenons le cas d’un parent qui se plaint qu’un enseignant est toujours «sur le dos» de son enfant: il sera interdit au prof ou à sa direction de répondre quoi que ce soit pour se défendre. Le dossier du jeune doit demeurer confidentiel, même si celui-ci montre qu’il s’agit d’un enfant ayant déjà fait l’objet de nombreuses mesures disciplinaires et même de renvois.
Je ne dis pas qu’il est impossible que l’enseignant concerné ait eu un comportement inadéquat, mais on pourrait mieux juger de la situation si certaines informations étaient publiques et éviter ainsi de sauter trop rapidement aux conclusions. De même, on relativiserait mieux certaines choses si on savait que le parent a fait l’objet d’un ordre de la cour parce qu’il a adopté un comportement quérulent et harcelant à l’égard de différents intervenants scolaires.
Un autre cas: un enseignant se plaint de la conduite de sa direction dans les médias. Il lui sera facile d’inventer qu’il a été injustement traité puisque son dossier doit demeurer confidentiel. Ainsi, le grand public ne saura pas que cet employé de l’État effectuait des tâches autres sur son temps de travail ou encore présentait des difficultés importantes en gestion de classe ou à ce qui avait trait à effectuer sa prestation de travail (correction, surveillance, etc.). Sa direction ne peut strictement rien dire alors que sa réputation est mise à mal dans les médias.
Dans toute ma carrière de plus de trente ans en éducation, je n’ai vu que de rares cas où des intervenants scolaires ont décidé de riposter à des accusations infondées. On préfère acheter la paix et espérer que le temps effacera tout. Par contre, on oublie que de tels épisodes constituent des incidents de travail traumatisants et peuvent mettre fin à des carrières. En situation de pénurie de personnel, je comprends mal les représentants des directions d’école et des enseignants de ne pas agir davantage à ce sujet.
Il serait grand temps que le ministre de l’Éducation, les centres de services scolaires et les syndicats se penchent sur ce genre de situation. Quant à moi, on devrait réfléchir à l’idée suivante: que toute personne (élève, parent, enseignant, etc.) ayant recours à des médias concernant une situation l’opposant à un membre du réseau scolaire voie la confidentialité entourant son dossier révoquée. Il s’agit ici d’une impunité malsaine qui permet à certains de fabuler ou de porter des accusations graves sans subir quelque conséquence que ce soit.
La confidentialité doit avoir des limites en éducation.
Luc Papineau, enseignant de français