À Tbilissi, des Russes en exil se racontent et les Géorgiens se méfient
Radio-Canada
Le message a le mérite d'être clair : « La Russie est un pays agresseur, un occupant, et Vladimir Poutine est le mal incarné. Si vous n'êtes pas d'accord avec ces affirmations, vous n'êtes pas les bienvenus. »
Agatha tend le cou, et le lit attentivement sur la porte du restaurant. Elle sait très bien que ça s’adresse aux Russes comme elle. La jeune femme sourit, ouvre la porte et pénètre dans l’établissement, d’un pas convaincu et le sourire fendu jusqu’aux oreilles.
À l'intérieur, les drapeaux jaune et bleu se mélangent au décor chaleureux et à l’art géorgien qui tapisse les murs. Les serveurs portent des t-shirts en soutien à l'Ukraine. C'est la norme dans presque tous les commerces de Tbilissi.
Agatha s'est installée dans la capitale il y a un mois pour finir ses études en mode et en design. Elle a toujours su que, tôt ou tard, elle allait devoir quitter la Russie. Sa famille se sait surveillée par les autorités depuis longtemps et elle ne compte plus les menaces reçues au fil des ans.
Son père est un journaliste indépendant établi à Moscou, critique du régime et de la guerre. Bien qu'il soit habitué à l'intimidation, elle me raconte que l'avertissement qu’il a reçu au début du mois de mars de la bouche d'un agent du Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (FSB) était explicite et terrifiant.
« On lui a dit que s'il n'arrêtait pas d'écrire, nous pourrons toutes être tuées ou violées, ma sœur, ma mère et moi. Nous étions toutes à Moscou et, cette fois, nous avons eu peur, et le danger était réel. »
Je lui fais répéter pour être bien sûre d'avoir compris ses propos. Agatha, 21 ans, confirme le tout avec une certaine nonchalance dans la voix. Oui, malheureusement, c'est vrai. C'est ça, la réalité et le combat de l'opposition en Russie.
Toute la famille a quitté Moscou. Ses parents sont partis en Israël, sa sœur est en Arménie et Agatha est à Tbilissi.
La jeune femme répond à mes questions avec fierté et enthousiasme, car elle apprivoise, pour la première fois de sa vie, le sentiment d'être libre. Les gens ici nous demandent souvent pourquoi les Russes s'enfuient, pourquoi ils sont lâches et pourquoi ils ne tiennent pas tête au régime.