«Tomber»: India Desjardins décortique Michel Brûlé sans sensationnalisme
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Il avait acheté une statue du général de Gaulle pour la poser devant sa maison d’édition, se promenait nu devant ses collègues, avait demandé à une employée de téléphoner au Vatican pour acheter une papemobile, projetait de mettre sur pied un parc d’attractions autochtone – lui qui se proclamait Métis –, s’était porté candidat à la mairie de Montréal et du Plateau-Mont-Royal et était convaincu de pouvoir concrétiser l’indépendance du Québec, avait commis un film et un album de musique, planifiait d’acheter Québecor…
Et quoi encore? On dirait probablement de l’ex-éditeur Michel Brûlé qu’il était un personnage «plus grand que nature» si plusieurs de ses lubies n’avaient pas eu un côté risible, voire pathétique.
Or, c’est surtout sa mégalomanie qu’on a retenue du défunt homme d’affaires, dont même le décès, survenu le 31 mai 2021 au Brésil, au terme d’un accident de vélo, a généré un scepticisme général. L’homme était alors en attente d’une sentence après avoir été reconnu coupable dans une affaire d’agression sexuelle, et avait omis de se présenter à l’audience où il était convoqué. Plusieurs ont tout de suite cru à une mise en scène pour recommencer une vie ailleurs, sous une nouvelle identité.
India Desjardins a vécu une saga professionnelle tumultueuse avec Michel Brûlé, qui fut, au milieu des années 2000, son premier éditeur, celui qui a cru avant les autres à son projet de série littéraire pour ados Le journal d’Aurélie Laflamme, devenue le succès qu’on connaît. Ce businessman à l’âme d’artiste a valorisé l’autrice autant qu’il a pu pour, par la suite, la tourmenter en l’entraînant dans un conflit de travail qui a fortement ébranlé India.
Cette dernière revient aujourd’hui sur le parcours du créateur des Éditions des Intouchables dans l’excellent balado Tomber, réalisé par Marie-Michèle Giguère, minutieusement documenté, qui se dévore comme un thriller.
Au fil de six épisodes (d’une durée de 28 à 53 minutes), soutenus par une cinquantaine d’entrevues – allant d’auteur.trice.s ayant collaboré avec Michel Brûlé comme Bryan Perro, les Justiciers masqués ou sa victime Jill Côté, qui l’avait dénoncé, jusqu’à des spécialistes en droit et en santé mentale –, la créatrice brosse un portrait précis du disparu, de sa vie rocambolesque et expose des parcelles de leur mésentente. Pour ensuite ouvrir, dans une perspective plus large, sur les enjeux de santé mentale, le rapport qui lie les auteur.trice.s à leur maison d’édition, le sort des écrivain.e.s québécois.e.s et les cycles de la violence psychologique et des relations toxiques au boulot.
La série se termine sur une inévitable analyse des théories du complot entourant la mort de Michel Brûlé, la médiatisation de l’événement et les dernières minutes de son existence.