
«Nightmare Alley»: on s’attendait à mieux
TVA Nouvelles
Bradley Cooper, Cate Blanchett et Rooney Mara ne parviennent pas à sauver ce Guillermo del Toro de la banalité.
On les appelle des «Carnies», dérivé de «Carnival», ces fêtes foraines qui se déplacent de ville en ville, vendant de l’extraordinaire mensonger – horrible ou merveilleux – en chaland. Les «Carnies», ce sont des forains, souvent grotesques – la femme à barbe, l’homme-singe, le nain –, souvent inquiétants, rarement honnêtes.
L’iconographie de ces «freaks», ces rejetés de la société, est amplement explorée à l’écran, de l’inoubliable «Carnivale» de HBO au flamboyant «Le Maître de la scène» en 2017, et il n’était que temps que Guillermo del Toro plonge ses caméras dans cet univers visuellement richissime, choisissant d’adapter «Le charlatan», roman de William Lindsay Gresham datant de 1946 et déjà porté à l’écran l’année suivante.
Stan Carlisle (Bradley Cooper) n’est pas un homme bien, on le sait dès les premières images, en le voyant mettre le feu à une maison dans laquelle il a placé un corps. Il prend la fuite et se retrouve devant une fête foraine en ces années 1940. Par hasard, Clem Hoately (Willem Dafoe), le patron, lui demande de l’aider à attraper le «geek», alcoolique qui décapite des poulets avec les dents, l’une des attractions phares du lieu. Et comme il a besoin d’un toit, il reste, d’abord en effectuant de petits boulots, puis en se rendant utile.
Car Stan a un don, celui d’embobiner les gens. Beau parleur, agréable à regarder, il séduit ainsi Molly (Rooney Mara) tandis que Zeena (Toni Collette) et Pete (David Strathaim) lui apprennent les secrets de leur numéro de mentalisme et de divination. Et il n’en faut pas plus pour que Stan convainque Molly de partir avec lui afin qu’ils se produisent tous deux devant un public plus aisé. En ville, le numéro de Stan attire l’attention d’Ezra Grindle (Richard Jenkins), un riche homme d’affaires, et de la psychanalyste Lilith Ritter (Cate Blanchett). Avec l’aide de cette dernière, Stan entreprend de profiter de la crédulité de Grindle.
Pas de doute, la direction photo de Dan Laustsen, déjà collaborateur de del Toro pour «Métamorphose», «Crimson Peak» et «La forme de l’eau», est hyper léchée. Les éclairages sont exceptionnels, mettant en relief l’ossature des visages des acteurs – Rooney Mara en tête, Toni Collette, Willem Dafoe, Bradley Cooper et, bien sûr Cate Blanchett – et leur conférant ainsi une personnalité plus trouble que la psychologie des personnages, mal exploitée. Car le scénario pêche par sa longueur – 139 minutes –, puis par son aspect prévisible, et enfin par son manque de nuances. En privilégiant la forme au fond, del Toro oublie son talent poétique – celui qui nous avait fait succomber à son «La forme de l’eau» – pour ne livrer, somme toute, qu’un long métrage bien ordinaire.