
«Les gens sont terrorisés»: voici ce qui pourrait se passer après les législatives de dimanche en France
TVA Nouvelles
Les Français ouvriront-ils les portes du pouvoir à l’extrême droite ou obligeront-ils leurs élus à faire des compromis, au risque de se retrouver avec un pays ingouvernable? Tout dépendra de ce qui se passera dans les urnes dimanche au 2d tour et des jeux de coulisses auxquels les partis doivent s’adonner en ce moment même afin de former des alliances. Le Journal a interrogé trois experts afin de décortiquer les scénarios possibles au terme de cette élection «explosive».
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En France, les rôles de chef de l’État (président) et du chef du gouvernement (premier ministre) font l’objet de deux élections distinctes, les présidentielles et les législatives. Ces dernières, qui ont cours actuellement, visent à élire les 577 députés de l’Assemblée nationale. Au 1er tour, un candidat peut être élu s’il obtient une majorité absolue. Si aucun candidat n’obtient cette majorité au 1er tour, les candidats qui ont obtenu au moins 12,5% des voix inscrites peuvent rivaliser au 2e tour. Dans tous les cas, le président Emmanuel Macron restera au pouvoir, mais l’issue du scrutin déterminera qui il pourra nommer comme premier ministre. Il pourrait se retrouver avec un premier ministre qui n’est pas de son camp.
«C’est énorme, ce qui se passe», dit Thierry Giasson, directeur du Groupe de recherche en communication politique et professeur à l’Université Laval. Dimanche dernier, le Rassemblement national (RN) est arrivé en tête du 1er tour de scrutin. Si le parti de Marine Le Pen réussit à faire élire 289 députés, il obtiendra ainsi une majorité absolue de sièges. Ce serait la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu’un parti d’extrême droite serait au pouvoir en France.
Ce scénario a toutefois perdu des plumes dans les derniers jours. En effet, plus de 200 candidats de divers partis qui étaient arrivés en 3e position au 1er tour et qui auraient pu rivaliser au 2d tour dans des triangulaires (luttes à trois) se sont désistés. Ils espèrent ainsi barrer la marche au parti d’extrême droite grâce au vote stratégique.
Si le RN n’obtient pas la majorité absolue, mais s’en approche (autour de 270 sièges), il lui sera encore possible d’aller chercher des soutiens auprès d’autres partis de droite avec qui former le gouvernement, sans crainte d’être renversé.
Le président Macron est probablement en train de «se mordre les doigts», suppose Julien Robin, doctorant en sciences politiques à l’Université de Montréal. Car s’il a dissous l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, c’était parce qu’il croyait pouvoir se refaire «une santé électorale» et le plein de députés, misant sur les chicanes au sein de la gauche et les craintes que suscite l’extrême droite. Or, son groupe «Ensemble pour la République» est arrivé en 3e place au 1er tour. Tout indique que le scénario visé par M. Macron n’adviendra pas et que son groupe se retrouvera avec encore moins de députés qu’avant.
«Macron a voulu jouer à l’apprenti sorcier dans un contexte explosif», illustre David Morin, professeur de politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. «Les gens sont terrorisés», observe aussi Thierry Giasson. À gauche, certains redoutent les politiques éventuelles du RN, notamment celles de l’anti-immigration. À droite, les gens craignent que l’élection d’un parti de gauche signifie «la fin de la France, l’hécatombe», résume M. Giasson.
Selon les experts consultés, le scénario le plus probable est celui d’un vote fragmenté qui mènerait à ce qu’on appelle une «cohabitation». On peut comparer ce scénario à celui d’un gouvernement minoritaire au Canada. Un peu comme les libéraux de Justin Trudeau qui ont créé une alliance avec le Nouveau Parti démocratique, des partis français pourraient jouer de tractations pour créer une grande coalition aux valeurs républicaines tout en excluant les partis plus sulfureux. Or, l’issue de cette cohabitation resterait incertaine et les négociations entre des partis aux grandes divergences seraient difficiles.