«Heroin chic» vs «body positivity»: comment ces deux «tendances» coexistent-elles?
Métro
En novembre dernier, le New York Post annonçait le retour de la «tendance» heroin chic qui avait marqué les années 1990 en faisant l’éloge d’une maigreur extrême. Une annonce qui en a fait sourciller plus d’un.e! Mais, alors que le mouvement inclusif body positive semblait avoir fait sa marque dans les dernières années, est-on en train de vivre un retour en arrière? Comment ces deux courants peuvent-ils coexister?
La minceur serait ainsi de nouveau le standard de beauté à la mode, selon le média américain. Il prend pour preuve la perte de poids de Kim et Khloe Kardashian ou encore le succès de mannequins ultra-célèbres – et tout aussi minces – telles que Bella Hadid, Kaia Gerber (fille de Cindy Crawford) et Lila Moss (fille de Kate Moss). Et cela sans compter l’engouement pour le buccal fat removal (la diminution du gras dans les joues pour avoir un visage plus angulaire), la nouvelle tendance TikTok que certain.e.s attribuent à l’actrice Lea Michele.
Sauf que… Peut-on vraiment parler d’un «retour»? Pas d’après Gabrielle Lisa Collard, autrice du livre Corps rebelle et journaliste qui s’intéresse aux enjeux entourant la grossophobie, la culture des diètes et la diversité corporelle. «Même si on a pu voir quelques modèles curvy dans les dernières années, la minceur n’a jamais cessé d’être le standard, heroin chic ou pas», soutient-elle.
Un constat que partage la doctorante et chercheuse à l’UdeM Emmanuelle Parent, spécialisée dans l’étude des médias sociaux et des normes sociales. «Depuis le temps que j’étudie les réseaux sociaux et les plateformes numériques, je peux dire que la minceur a toujours été présentée comme un idéal de beauté, rapporte-t-elle. Donc quand on annonce son retour à la mode, je me dis: “Ah oui, elle était partie où?”»
En se promenant sur TikTok ou Instagram, difficile en effet de ne pas croiser de corps minces. Même si le mouvement body positive est passé par là et a permis à des silhouettes plus diversifiées de se montrer, ce ne sont pas ces corps qu’on voit le plus, souligne Emmanuelle Parent.
«Il y a tellement d’argent à faire sur le fait que les femmes sont mal dans leur peau… C’est pour ça que même si vous ne suivez que des personnes qui sont pour la diversité corporelle, en scrollant vous allez sûrement être ciblée par une pub qui vous dit comment perdre votre petit ventre», déplore-t-elle.
Edith Bernier, autrice et créatrice du site grossophobie.ca, dénonce elle aussi la prédominance pernicieuse de l’industrie des diètes sur les réseaux sociaux. «La pression de la société pour perdre du poids ou rester mince est encore très forte et la culture de la diète fait son petit caméléon pour parler à des jeunes filles de plus en plus jeunes», constate-t-elle. Détox, jeûne intermittent, changement de style de vie, fitness, aliments magiques: l’injonction de la minceur se donne aujourd’hui des airs de self-care.