« Je la joue all in », dit un camionneur qui occupe Ottawa
Radio-Canada
Lorsque j’ai quitté Louis Martin, il y a 20 jours, il n’y avait qu’une banderole avec le slogan « Fuck you Legault » sur la devanture de son camion. Aujourd’hui, le véhicule est tapissé de dessins. « C’est l’œuvre des enfants de mon coin, et ma blonde me les a apportés il y a quelques jours », dit le routier dont la barbe a poussé depuis notre dernière rencontre.
À notre premier rendez-vous dans son garage de la petite bourgade de Saint-Évariste, il ne savait pas combien de temps durerait son voyage. Il ne sait toujours pas quand il quittera la capitale fédérale. J’espère être capable de partir quand on aura retrouvé une vie normale, lance l’homme qui en est à sa première manifestation d’envergure.
Au début du mouvement, il y a trois semaines, les camionneurs manifestaient contre la vaccination obligatoire imposée à ceux qui traversent la frontière. Ils demandent maintenant la fin de toutes les restrictions sanitaires. Avec l’adoption de la Loi sur les mesures d’urgence, cependant, le gouvernement libéral ne donne aucune indication qu’il a l’intention de céder. Au contraire.
Mercredi, la police d’Ottawa a distribué des avis indiquant aux camionneurs qu’ils doivent quitter les lieux immédiatement. En restant sur place, Louis Martin commet maintenant une infraction criminelle et pourrait être arrêté.
« Le jeu en vaut la chandelle. Je suis prêt à prendre le risque. Dans ma tête, si on ne gagne pas cette bataille, on est foutus d’une manière ou d’une autre. Je la joue all in. »
En pleine discussion avec M. Martin, un individu cogne à sa porte pour lui livrer un paquet de feuilles sur lesquelles sont imprimées des articles de loi qui contrediraient la Loi sur les mesures d'urgence. On lui demande de les coller sur son pare-brise. L’organisation du convoi a une équipe d’avocats qui vérifient les avis comme celui que j'ai reçu ce matin, explique-t-il. On est très informés.
Le camion de l'entrepreneur est stationné directement devant le Centre Rideau. Le centre commercial est aujourd’hui fermé en raison de l’occupation des camionneurs. Je lui demande s’il n’y a pas une contradiction à manifester pour continuer de travailler en empêchant d’autres personnes de gagner leur vie.
On ne peut pas plaire à tout le monde, dit-il, assis dans la cabine de son camion qui est devenue sa maison. Ça fait deux ans que notre quotidien a changé. C’est un mal nécessaire. Et il ne faut pas oublier tous ces gens qui viennent nous remercier pour ce que l’on fait.
Je lui fais tout de même remarquer qu’il y a eu plusieurs accrochages entre manifestants et journalistes. Notre mouvement est pacifique, mais après trois semaines, la fatigue s’installe, admet-il. Les épisodes de violence sont des événements isolés. Malheureusement, plus il y a de personnes dans un groupe, moins on a le contrôle.