« J’ai pu fuir, mais je recommence tout à zéro » : une juge afghane en exil se confie
Radio-Canada
Quand les talibans prennent subitement le contrôle de Kaboul à la mi-août, Tayeba Parsa sait que sa vie est en danger. Juge à la division commerciale de la cour d’appel, elle représente une cible parfaite pour les talibans qui refusent d’accorder ce type de privilège aux femmes. Elle devient aussi vulnérable à la vengeance de ceux qu’elle a envoyés derrière les barreaux. « Je pleurais. Nous n’étions plus en sécurité. »
Pendant trois jours, la jeune femme et sa famille se terrent dans leur maison, craignant leur irruption. Pendant ces trois jours, elle se jette à corps perdu dans le travail.
Des avocats de l’Association internationale des femmes juges (IAWJ) m’appelaient pour tenter de me rassurer. Elles m’ont demandé de créer une liste de mes collègues femmes juges pour aider à leur évacuation, explique-t-elle. Quand j’ai eu terminé de transmettre ces informations, j’ai détruit mes documents pour qu’on ne m’identifie pas comme juge.
Puis, elle reçoit un appel inespéré d’une avocate d’un pays est-européen lui proposant une évacuation d’urgence en avion pour elle, son mari, son père et une cousine.
Nous nous sommes préparés en 30 minutes, se rappelle-t-elle. J’étais tellement nerveuse que j’avais de la difficulté à réfléchir. J’ai jeté un vêtement de rechange, mon passeport et quelques livres de droit dans un sac. Je ne pouvais pas laisser mes livres en arrière, ils sont trop importants pour moi.
J’ai abandonné les clefs de ma maison et de ma voiture aux voisins et nous avons quitté, sans savoir quand nous reviendrions.
Le petit groupe met plusieurs heures avant de réussir à s’approcher de l’entrée de l’aéroport alors que des milliers de personnes cherchent elles aussi, dans le chaos le plus total, à quitter le pays.
Nous avons passé 24 heures à l’extérieur de l’aéroport, debout, à attendre. J’ai vu des talibans pour la première fois, dit-elle. Ils battaient des gens. L’un d’entre eux a frappé mon père. C’était effrayant.
Puis, la chance leur sourit. Une journaliste du pays où ils se rendent les aide à pénétrer dans l’enceinte de l’aéroport.