« Il y a eu une victime, il aurait pu y en avoir six »
Radio-Canada
Après avoir entendu 36 témoins lors d’audiences publiques qui se sont déroulées à la fin de l’année dernière, la coroner conclut dans un rapport substantiel que le décès de Pierre Lacroix est accidentel, mais surtout, comme l'avait montré l'émission Enquête en octobre dernier, qu’il s'agit d’une « tragédie évitable », et fait 25 recommandations.
Dans son rapport, la coroner Géhane Kamel critique sévèrement non seulement le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) mais aussi le ministère de la Sécurité publique, les villes de l’agglomération de Montréal, la Garde côtière canadienne et Transports Canada.
Le 17 octobre 2021, le pompier Pierre Lacroix est décédé pendant une opération de sauvetage qui a mal tourné dans les rapides de Lachine, dans le fleuve Saint-Laurent. Lui et trois autres pompiers à bord de l’embarcation 1864 ont tenté d’éviter à deux plaisanciers en panne d’être emportés par les rapides. Ironie du sort, les plaisanciers s’en sont sortis, mais c’est l'embarcation qui a chaviré. Trois pompiers se sont trouvés sous le bateau, dont Pierre Lacroix, qui y est resté coincé.
D'emblée, la coroner note que tous les témoins ont décrit Pierre Lacroix comme un pompier prudent, consciencieux et rassembleur. Malgré ses nombreuses années d’expérience, aucune formation de navigation en eaux vives ne lui avait été donnée. Elle note qu’il n’a pas non plus suivi de formation pratique pour le remorquage d’un bateau ni pour l’autosauvetage en eaux vives. C’est un homme engagé pour lequel la mission de sauvetage lui était tatouée sur le cœur, écrit Géhane Kamel.
La coroner a d’ailleurs constaté, lors de son enquête, qu’aucun des pompiers dans l’embarcation n’a émis de réserve quant à la mission de sauvetage. Ils étaient devant nous, on a peut-être eu une vision tunnel, mais on était déterminés à les ramener, a raconté un des pompiers.
Durant l’enquête, un des pompiers impliqués ce soir-là a aussi indiqué : Si l’on m’avait donné l’ordre, j’aurais cessé la tentative de sauvetage, mais s’il était arrivé malheur aux plaisanciers, je m’en serais voulu toute ma vie. Mais la coroner est claire : personne n’a donné l’ordre de cesser la mission ce soir-là, y compris le poste de commandement (PC) installé sur la rive sud par le SIM.
La coroner ne mâche pas ses mots sur les problèmes de coordination des diverses organisations appelées sur le terrain. Pour le SIM, il y a d’abord un manque de connaissances évident. Aucun officier du PC n’avait de formation en sauvetage nautique. Les décisions des officiers [...] sont prises en toute bonne foi, mais malheureusement, elles ne sont pas optimales, écrit Géhane Kamel. Pourtant, c’est cette équipe qui tente de quadriller les zones de recherche.
« Dans un événement de cette ampleur, le PC du SIM devient le scene commander mais visiblement, lui-même n’était pas en mesure de positionner tous les bateaux à l’eau. Les indications transmises au Centre secondaire de sauvetage maritime (MRSC) Québec de la Garde côtière canadienne sont parfois erronées. »
Elle constate qu’une désorganisation s’est installée entre les différents partenaires. Il y a plusieurs consignes, mais pas de coordination.