« C’est dans ta tête » : quand l’étiquette en santé mentale nuit à la santé physique
Radio-Canada
« La rage me vient au cœur quand j’en parle. Le monde me dit de faire confiance au système… Mais disons que c’est plus compliqué de faire confiance depuis qu’on m'a remis un diagnostic », confie d’emblée Diane*, au bout du fil.
Elle serait loin d’être seule dans son cas. De nombreuses personnes vivant avec un trouble de personnalité limite – ceux et celles qu’on appelle les TPL, les borderline – tentent de franchir les portes d’un établissement de santé dans l’espoir d’obtenir de l’aide pour un problème d’ordre physique, sauf que leur étiquette psychiatrique masque souvent des blessures qui, pour elles, n’ont rien d’imaginaire. Elles sont ainsi orientées vers des services en santé mentale.
Diane dit ne plus se surprendre : près de 20 ans après qu’on eut inscrit ce trouble de la personnalité à son dossier médical, obtenir des soins physiques constitue un défi de tous les instants. On fait plus attention à ce qui est écrit dans mon dossier qu’à ce que je suis en train de leur décrire.
En 2017, après une chute dans un sentier d’hébertisme puis d’intenses douleurs au poignet et à l’épaule, elle consulte son médecin de famille. En apparence, rien de cassé, assure le docteur. C’est dans votre tête, dit-il, en guise de conclusion de la consultation, se rappelle Diane. Elle ne compte plus les fois où on lui a servi la ritournelle.
Au moment de notre discussion, elle attendait les résultats d’une radiographie qui déterminera si son épaule est opérable. En effet, elle a persévéré dans ses démarches et des spécialistes lui ont confirmé, trois ans après sa débâcle, qu’elle portait les séquelles d’une cassure du poignet et du déchirement d’un muscle à l’épaule. Si ce n’est pas opérable, je vais devoir vivre avec mes douleurs pour le reste de ma vie, dit-elle, d’un ton résigné, presque désabusé.
C’est toujours dans notre tête, raconte pour sa part Annie*. Moi, on impute aussi ça à ma “fragilité”. Cette dernière a reçu son diagnostic il y a quelques années, après une séparation. Dans son cas, il a fallu plusieurs mois – et des problèmes de nutrition – pour qu’on découvre finalement qu’elle avait une bactérie à l’estomac.
« À un moment donné, tu es écoeurée, parce que c’est toujours “mental”. Je suis tannée de me faire ignorer. Je vais à des rendez-vous pour rien. »
Annie a accepté de parler de sa réalité, mais admet que le découragement l’envahit souvent, surtout dans le contexte difficile d’accès aux soins.
Si l’actuel débordement des urgences montre une fois de plus que le système de santé est en eaux troubles, les personnes vivant avec un problème de santé mentale – quelle qu’en soit la nature – vivent les remous depuis bien avant la crise qui sévit.