La biodiversité colombienne disparaît à vitesse grand V
Radio-Canada
Alors que le tonnerre gronde et que la pluie abondante continue de tomber, Ricardo Canale contemple avec un regard pensif sa plantation de café dans les montagnes, près de Cali. Depuis quelques années, la production de cette exploitation familiale n’est plus ce qu’elle était.
« En fait, la récolte n’est que la moitié de ce qu’elle était auparavant. Depuis quelques années, on est passé d’El Niño à La Niña, soit de la sécheresse aux pluies diluviennes. Des conditions extrêmes et instables qui sont très mauvaises pour le caféier, qui est une plante assez fragile. »
Ricardo Canale s’inquiète de l’avenir de sa ferme, et plus largement de l’avenir du café en Colombie. Si ça continue comme cela, c’est l’avenir de la culture du café en Colombie et dans le monde qui est compromise. Le microclimat qui la permet est en voie de disparition. On ne pourra pas indéfiniment monter plus haut dans la montagne pour le retrouver. Viendra un temps où on ne pourra plus cultiver le café.
Si la culture du café est menacée en Colombie, ce n’est pas uniquement en raison des changements climatiques. Les impératifs productivistes de l’agro-industrie viennent dans une large mesure aggraver leur impact.
En effet, afin d’améliorer le rendement de certaines cultures vouées à l’exportation, par exemple celles des bananes, du maïs ou du café, on a eu tendance à réduire leur variabilité génétique pour ne miser que sur deux ou trois espèces plus performantes.
Saviez-vous que?La Colombie recèle l’une des plus riches biodiversités dans le monde. Elle abrite 10 % de la flore et de la faune mondiales.
Le problème, c’est que ces dernières s’avèrent être aussi les plus vulnérables aux parasites et aux champignons qui apparaissent avec les changements climatiques. Par conséquent, les agriculteurs doivent recourir davantage aux engrais chimiques et aux pesticides. Tout cela est bien sûr désastreux pour la biodiversité.
Henry Calvo peut en témoigner, lui qui est un petit producteur de café à Fenicia, petit village dans la cordillère occidentale des Andes. Il déplore que le cartel de la Fédération des producteurs de café de Colombie lui ait imposé, à lui comme à d’autres agriculteurs, d’abandonner la variété traditionnelle de café Arabica au profit d’une nouvelle variété, en principe plus productive, mais qui s’avère beaucoup moins adaptée aux rigueurs des changements climatiques.
Il y a un peu plus d’un an, le Centre international d’agriculture tropicale (CIAT), qui regroupe des scientifiques de partout sur la planète, a inauguré à Palmira, en Colombie, le centre Semences du futur. Il s’agit de la plus grande banque de semences tropicales du monde. On y retrouve 36 000 variétés de haricots, 26 000 espèces de plantes fourragères et 6000 sortes de manioc. C’est en quelque sorte la mémoire alimentaire des pays tropicaux.