L’Europe, terre d’asile ou tombeau?
Radio-Canada
En Méditerranée, mais aussi dans l’est, à la frontière du Bélarus, l’Union européenne (UE) est confrontée à l’afflux de migrants prêts à risquer leur vie pour l'atteindre.
Pourquoi les Européens ne réussissent-ils pas à s'entendre sur une politique commune pour régir ces mouvements migratoires? Nous en avons discuté avec Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à Paris, et spécialiste de la question migratoire.
L’Europe attire parce qu'elle est proche de pays beaucoup plus pauvres de l'autre côté de la Méditerranée. On la voit à la télévision, sur les portables et autres moyens de communication. C'est une destination recherchée, mais difficile d'accès à cause du système de visas et des politiques de dissuasion et de répression.
Or, plus on ferme les frontières, plus on a de passeurs. Donc, aujourd'hui, en Italie et en Grèce, on a des passages, puis on a Calais, géré par les accords du Touquet conclus en 2003, en vertu desquels la France fait le contrôle de la frontière pour le compte du Royaume-Uni, moyennant un financement anglais. Et ça, ça n'a pas changé, malgré le Brexit.
« C'est une situation qui est hors de tout droit, mortifère, et qui fait prospérer les passeurs. Parce que plus les frontières sont difficiles à franchir, plus l'économie du voyage prospère, et plus il y a de morts. »
Cela ne fonctionne pas parce que les gens sont très déterminés. Ils sont presque arrivés. Quand on est venu à pied d'Afghanistan, comme j'en ai déjà vu, on ne va pas abandonner pour 30 km. Ils veulent aller jusqu'au bout.
Aujourd'hui, le projet de la préfecture et de la mairie, c'est de leur rendre la vie impossible. Les tentes sont lacérées, alors qu’il fait froid à Calais, il y a de l'humidité et beaucoup de pluie. Les gens sont chassés, parce qu'il ne faut surtout pas d'incitation à la réinstallation.
Leur philosophie, c'est plus on les accueille mal, moins ils viendront. Ce qui est faux, puisque Calais est en face de Douvres, et ces gens veulent aller en Angleterre parce que souvent ils parlent anglais, qu’il n'y a pas de contrôles d'identité en Angleterre et que les demandeurs d'asile peuvent y travailler.
Ils veulent aller en Angleterre et ils y sont tellement déterminés que même si les conditions sont très mauvaises du côté de la France, ils vont continuer à vouloir y aller. C'est très, très clair : la dissuasion ne fonctionne pas.